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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

n’aurait point de représentation nationale, mais un grand nombre de petits pouvoirs locaux, finirait par posséder plus de journaux qu’un autre chez lequel une administration centralisée existerait à côté d’une législature élective. Ce qui m’explique le mieux le développement prodigieux qu’a pris aux États-Unis la presse quotidienne, c’est que je vois chez les Américains la plus grande liberté nationale s’y combiner avec des libertés locales de toutes espèces.

On croit généralement en France et en Angleterre qu’il suffit d’abolir les impôts qui pèsent sur la presse, pour augmenter indéfiniment les journaux. C’est exagérer beaucoup les effets d’une semblable réforme. Les journaux ne se multiplient pas seulement suivant le bon marché, mais suivant le besoin plus ou moins répété qu’un grand nombre d’hommes ont de communiquer ensemble et d’agir en commun.

J’attribuerais également la puissance croissante des journaux à des raisons plus générales que celles dont on se sert souvent pour l’expliquer.

Un journal ne peut subsister qu’à la condition de reproduire une doctrine ou un sentiment commun à un grand nombre d’hommes. Un journal représente donc toujours une association dont ses lecteurs habituels sont les membres.

Cette association peut être plus ou moins dé-