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SUR LES SENTIMENTS DES AMÉRICAINS.

briété leur patronage. Ils avaient agi précisément comme un grand seigneur qui se vêtirait très-uniment afin d’inspirer aux simples citoyens le mépris du luxe. Il est à croire que si ces cent mille hommes eussent vécu en France, chacun d’eux se serait adressé individuellement au gouvernement, pour le prier de surveiller les cabarets sur toute la surface du royaume.

Il n’y a rien, suivant moi, qui mérite plus d’attirer nos regards que les associations intellectuelles et morales de l’Amérique. Les associations politiques et industrielles des Américains tombent aisément sous nos sens ; mais les autres nous échappent ; et, si nous les découvrons, nous les comprenons mal, parce que nous n’avons presque jamais rien vu d’analogue. On doit reconnaître cependant qu’elles sont aussi nécessaires que les premières au peuple américain, et peut-être plus.

Dans les pays démocratiques, la science de l’association est la science mère ; le progrès de toutes les autres dépend des progrès de celle-là.

Parmi les lois qui régissent les sociétés humaines, il y en a une qui semble plus précise et plus claire que toutes les autres. Pour que les hommes restent civilisés ou le deviennent, il faut que parmi eux l’art de s’associer se développe et se perfectionne dans le même rapport que l’égalité des conditions s’accroît.