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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE.

l’État, au nom des Grecs et des Romains, au lieu de le féconder par leur industrie.

Il est évident que, dans les sociétés démocratiques, l’intérêt des individus, aussi bien que la sûreté de l’État, exige que l’éducation du plus grand nombre soit scientifique, commerciale et industrielle plutôt que littéraire.

Le grec et le latin ne doivent pas être enseignés dans toutes les écoles ; mais il importe que ceux que leur naturel ou leur fortune destine à cultiver les lettres ou prédisposent à les goûter, trouvent des écoles où l’on puisse se rendre parfaitement maître de la littérature antique, et se pénétrer entièrement de son esprit. Quelques Universités excellentes vaudraient mieux, pour atteindre ce résultat, qu’une multitude de mauvais colléges, où des études superflues qui se font mal, empêchent de bien faire des études nécessaires.

Tous ceux qui ont l’ambition d’exceller dans les lettres, chez les nations démocratiques, doivent souvent se nourrir des œuvres de l’antiquité. C’est une hygiène salutaire.

Ce n’est pas que je considère les productions littéraires des anciens comme irréprochables. Je pense seulement qu’elles ont des qualités spéciales qui peuvent merveilleusement servir à contrebalancer nos défauts particuliers. Elles nous soutiennent par le bord où nous penchons.