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SUR LE MOUVEMENT INTELLECTUEL.

de mouvement et de généralisation dans la pensée, ils ont toujours fait voir un art et un soin admirables dans les détails ; rien dans leurs œuvres ne semble fait à la hâte ni au hasard ; tout y est écrit pour les connaisseurs, et la recherche de la beauté idéale s’y montre sans cesse. Il n’y a pas de littérature qui mette plus en relief que celle des anciens les qualités qui manquent naturellement aux écrivains des démocraties. Il n’existe donc point de littérature qu’il convienne mieux d’étudier dans les siècles démocratiques. Cette étude est, de toutes, la plus propre à combattre les défauts littéraires inhérents à ces siècles ; quant à leurs qualités naturelles, elles naîtront bien toutes seules sans qu’il soit nécessaire d’apprendre à les acquérir.

C’est ici qu’il est besoin de bien s’entendre.

Une étude peut être utile à la littérature d’un peuple et ne point être appropriée à ses besoins sociaux et politiques.

Si l’on s’obstinait à n’enseigner que les belles-lettres, dans une société où chacun serait habituellement conduit à faire de violents efforts pour accroître sa fortune ou pour la maintenir, on aurait des citoyens très-polis et très-dangereux ; car l’état social et politique leur donnant, tous les jours, des besoins que l’éducation ne leur apprendrait jamais à satisfaire, ils troubleraient