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SUR LE MOUVEMENT INTELLECTUEL.

objets, ils s’entendent aisément, et arrêtent en commun certaines règles principales qui doivent diriger chacun d’eux. Si l’objet qui attire l’attention de ces hommes est la littérature, les travaux de l’esprit seront bientôt soumis par eux à quelques lois précises dont il ne sera plus permis de s’écarter.

Si ces hommes occupent dans le pays une position héréditaire, ils seront naturellement enclins non seulement à adopter pour eux-mêmes un certain nombre de règles fixes, mais à suivre celles que s’étaient imposées leurs aïeux ; leur législation sera tout à la fois rigoureuse et traditionnelle.

Comme ils ne sont point nécessairement préoccupés des choses matérielles, qu’ils ne l’ont jamais été, et que leurs pères ne l’étaient pas davantage, ils ont pu s’intéresser, pendant plusieurs générations, aux travaux de l’esprit. Ils ont compris l’art littéraire et ils finissent par l’aimer pour lui-même et par goûter un plaisir savant à voir qu’on s’y conforme.

Ce n’est pas tout encore : les hommes dont je parle ont commencé leur vie et l’achèvent dans l’aisance ou dans la richesse ; ils ont donc naturellement conçu le goût des jouissances recherchées et l’amour des plaisirs fins et délicats.

Bien plus, une certaine mollesse d’esprit et de cœur, qu’ils contractent souvent au milieu de ce