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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

Notre position nous oblige à tenir habituellement une nombreuse armée sous les armes ; l’isolement de l’Union lui permet de n’avoir que 6,000 soldats. Nous entretenons près de 300 vaisseaux ; les Américains n’en ont que 52[1]. Comment l’habitant de l’Union pourrait-il payer à l’État autant que l’habitant de la France ?

Il n’y a donc point de parallèle à établir entre les finances de pays si diversement placés.

C’est en examinant ce qui se passe dans l’Union, et non en comparant l’Union à la France, que nous pouvons juger si la démocratie américaine est véritablement économe.

Je jette les yeux sur chacune des diverses républiques dont se forme la confédération, et je découvre que leur gouvernement manque souvent de persévérance dans ses desseins, et qu’il n’exerce point une surveillance continue sur les hommes qu’il emploie. J’en tire naturellement cette conséquence qu’il doit souvent dépenser inutilement l’argent des contribuables, ou en consacrer plus qu’il n’est nécessaire à ses entreprises.

Je vois que, fidèle à son origine populaire, il fait de prodigieux efforts pour satisfaire les besoins des classes inférieures de la société, leur ouvrir les chemins du pouvoir, et répandre dans leur sein le bien-être et les lumières. Il entretient les pauvres, distribue chaque année des millions aux écoles, paie tous les services et rétribue avec générosité ses moindres agents. Si une pareille manière de gouver-

  1. Voyez les budgets détaillés du ministère de la Marine en France, et, pour l’Amérique, le National calendar de 1833, p. 228.