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ÉTAT ACTUEL ET AVENIR DES TROIS RACES.

ment aujourd’hui comme les débris d’un peuple ancien perdu au milieu des flots d’une nation nouvelle. Autour d’eux la population étrangère grandit sans cesse ; elle s’étend de tous côtés ; elle pénètre jusque dans les rangs des anciens maîtres du sol, domine dans leurs villes et dénature leur langue. Cette population est identique à celle des États-Unis. J’ai donc raison de dire que la race anglaise ne s’arrête point aux limites de l’Union, mais s’avance bien au-delà vers le Nord-Est.

Au Nord-Ouest, on ne rencontre que quelques établissements russes sans importance ; mais au Sud-Ouest, le Mexique se présente devant les pas des Anglo-Américains comme une barrière.

Ainsi donc, il n’y a plus, à vrai dire, que deux races rivales qui se partagent aujourd’hui le Nouveau-Monde, les Espagnols et les Anglais.

Les limites qui doivent séparer ces deux races ont été fixées par un traité. Mais quelque favorable que soit ce traité aux Anglo-Américains, je ne doute point qu’ils ne viennent bientôt à l’enfreindre.

Au-delà des frontières de l’Union s’étendent, du côté du Mexique, de vastes provinces qui manquent encore d’habitants. Les hommes des États-Unis pénétreront dans ces solitudes avant ceux mêmes qui ont droit à les occuper. Ils s’en approprieront le sol, ils s’y établiront en société, et quand le légitime propriétaire se présentera enfin, il trouvera le désert fertilisé et des étrangers tranquillement assis dans son héritage.

La terre du Nouveau-Monde appartient au premier occupant, et l’empire y est le prix de la course.