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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

On avait pensé, jusqu’à nous, que le despotisme était odieux, quelles que fussent ses formes. Mais on a découvert de nos jours qu’il y avait dans le monde des tyrannies légitimes et de saintes injustices, pourvu qu’on les exerçât au nom du peuple.

Les idées que les Américains se sont faites de la république leur en facilitent singulièrement l’usage et assurent sa durée. Chez eux, si la pratique du gouvernement républicain est souvent mauvaise, du moins la théorie est bonne, et le peuple finit toujours par y conformer ses actes.

Il était impossible, dans l’origine, et il serait encore très difficile d’établir en Amérique une administration centralisée. Les hommes sont dispersés sur un trop grand espace et séparés par trop d’obstacles naturels pour qu’un seul puisse entreprendre de diriger les détails de leur existence. L’Amérique est donc par excellence le pays du gouvernement provincial et communal.

À cette cause, dont l’action se faisait également sentir sur tous les Européens du Nouveau Monde, les Anglo-Américains en ajoutèrent plusieurs autres qui leur étaient particulières.

Lorsque les colonies de l’Amérique du Nord furent établies, la liberté municipale avait déjà pénétré dans les lois ainsi que dans les mœurs anglaises, et les émigrants anglais l’adoptèrent non seulement comme une chose nécessaire, mais comme un bien dont ils connaissaient tout le prix.

Nous avons vu, de plus, de quelle manière les colonies avaient été fondées. Chaque province, et pour ainsi dire chaque district, fut peuplé séparément