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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

qui unissent tous les États confédérés, et l’union entre dans les habitudes après avoir été dans les opinions. Le temps, en marchant, achève de faire disparaître une foule de terreurs fantastiques qui tourmentaient l’imagination des hommes de 1789. Le pouvoir fédéral n’est point devenu oppresseur ; il n’a pas détruit l’indépendance des États ; il ne conduit pas les confédérés à la monarchie ; avec l’Union, les petits États ne sont pas tombés dans la dépendance des grands. La confédération a continué à croître sans cesse en population, en richesse, en pouvoir.

Je suis donc convaincu que de notre temps les Américains ont moins de difficultés naturelles à vivre unis, qu’ils n’en trouvèrent en 1789 ; l’Union a moins d’ennemis qu’alors.

Et, cependant, si l’on veut étudier avec soin l’histoire des États-Unis depuis quarante-cinq ans, on se convaincra sans peine que le pouvoir fédéral décroît.

Il n’est pas difficile d’indiquer les causes de ce phénomène.

Au moment où la constitution de 1789 fut promulguée, tout périssait dans l’anarchie ; l’Union qui succéda à ce désordre excitait beaucoup de crainte et de haine ; mais elle avait d’ardents amis, parce qu’elle était l’expression d’un grand besoin. Quoique plus attaqué alors qu’il ne l’est aujourd’hui, le pouvoir fédéral atteignit donc rapidement le maximum de son pouvoir, ainsi qu’il arrive d’ordinaire à un gouvernement qui triomphe après avoir exalté ses forces dans la lutte. À cette époque, l’interprétation de la constitution sembla étendre plutôt que resserrer la souveraineté fédérale, et l’Union présenta sous plu-