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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

Je suppose encore que l’un des États confédérés ait acquis une assez grande prépondérance pour s’emparer a lui seul du pouvoir central ; il considérera les autres États comme ses sujets, et fera respecter, dans la prétendue souveraineté de l’Union, sa propre souveraineté. On fera alors de grandes choses au nom du gouvernement fédéral, mais, à vrai dire, ce gouvernement n’existera plus[1].

Dans ces deux cas, le pouvoir qui agit au nom de la confédération devient d’autant plus fort qu’on s’écarte davantage de l’état naturel et du principe reconnu des confédérations.

En Amérique, l’union actuelle est utile à tous les États, mais elle n’est essentielle à aucun d’eux. Plusieurs États briseraient le lien fédéral que le sort des autres ne serait pas compromis, bien que la somme de leur bonheur fût moindre. Comme il n’y a point d’État dont l’existence ou la prospérité soit entièrement liée à la confédération actuelle, il n’y en a pas non plus qui soit disposé à faire de très grands sacrifices personnels pour la conserver.

D’un autre côté, on n’aperçoit pas d’État qui ait, quant à présent, un grand intérêt d’ambition à maintenir la confédération telle que nous la voyons de nos jours. Tous n’exercent point sans doute la même influence dans les conseils fédéraux, mais on n’en voit aucun qui doive se flatter d’y dominer, et qui puisse traiter ses confédérés en inférieurs ou en sujets.

  1. C’est ainsi que la province de la Hollande, dans la république des Pays-Bas, et l’empereur, dans la Confédération Germanique, se sont quelquefois mis à la place de l’Union, et ont exploité dans leur intérêt particulier la puissance fédérale.