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ÉTAT ACTUEL ET AVENIR DES TROIS RACES.

D’ailleurs, un gouvernement, fût-il fort, ne saurait échapper qu’avec peine aux conséquences d’un principe, quand une fois il a admis ce principe lui-même comme fondement du droit public qui doit le régir. La confédération a été formée par la libre volonté des États ; ceux-ci, en s’unissant, n’ont point perdu leur nationalité, et ne se sont point fondus dans un seul et même peuple. Si aujourd’hui un de ces mêmes États voulait retirer son nom du contrat, il serait assez difficile de lui prouver qu’il ne peut le faire. Le gouvernement fédéral, pour le combattre, ne s’appuierait d’une manière évidente ni sur la force, ni sur le droit.

Pour que le gouvernement fédéral triomphât aisément de la résistance que lui opposeraient quelques uns de ses sujets, il faudrait que l’intérêt particulier d’un ou de plusieurs d’entre eux fût intimement lié à l’existence de l’Union, comme cela s’est vu souvent dans l’histoire des confédérations.

Je suppose que parmi ces États que le lien fédéral rassemble, il en soit quelques-uns qui jouissent à eux seuls des principaux avantages de l’union, ou dont la prospérité dépende entièrement du fait de l’union ; il est clair que le pouvoir central trouvera dans ceux-là un très grand appui pour maintenir les autres dans l’obéissance. Mais alors il ne tirera plus sa force de lui-même, il la puisera dans un principe qui est contraire à sa nature. Les peuples ne se confédèrent que pour retirer des avantages égaux de l’union, et, dans le cas cité plus haut, c’est parce que l’inégalité règne entre les nations unies que le gouvernement fédéral est puissant.