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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

ricains des États-Unis ont atteint ce double résultat avec une merveilleuse facilité, tranquillement, légalement, philanthropiquement, sans répandre de sang, sans violer un seul des grands principes de la morale[1] aux yeux du monde. On ne saurait détruire les hommes en respectant mieux les lois de l’humanité.

  1. Voyez entre autres le rapport fait par M. Bell au nom du comité des affaires indiennes, le 24 février 1830, dans lequel on établit, p. 5, par des raisons très logiques, et où l’on prouve fort doctement que : « The fundamental principle, that the Indians had no right by virtue of their ancient possession either of soil, or sovereignty, has never been abandoned expressly or by implication. » C’est-à-dire que les Indiens, en vertu de leur ancienne possession, n’ont acquis aucun droit de propriété ni de souveraineté, principe fondamental qui n’a jamais été abandonné, ni expressément, ni tacitement.

    En lisant ce rapport, rédigé d’ailleurs par une main habile, on est étonné de la facilité et de l’aisance avec lesquelles, dès les premiers mots, l’auteur se débarrasse des arguments fondés sur le droit naturel et sur la raison, qu’il nomme des principes abstraits et théoriques. Plus j’y songe et plus je pense que la seule différence qui existe entre l’homme civilisé et celui qui ne l’est pas, par rapport à la justice, est celle-ci : l’un conteste à la justice des droits que l’autre se contente de violer.