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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

une vaste contrée qui a pris le nom d’Arkansas, du fleuve principal qui l’arrose. Elle borne d’un côté les frontières du Mexique, de l’autre les rives du Mississipi. Une multitude de ruisseaux et de rivières la sillonnent de tous côtés, le climat en est doux et le sol fertile. On n’y rencontre que quelques hordes errantes de sauvages. C’est dans la portion de ce pays, qui avoisine le plus le Mexique, et a une grande distance des établissements américains, que le gouvernement de l’Union veut transporter les débris des populations indigènes du Sud.

À la fin de l’année 1831, on nous a assuré que 10,000 Indiens avaient déjà été descendus sur les rivages de l’Arkansas ; d’autres arrivaient chaque jour. Mais le Congrès n’a pu créer encore une volonté unanime parmi ceux dont il veut régler le sort : les uns consentent avec joie à s’éloigner du foyer de la tyrannie ; les plus éclairés refusent d’abandonner leurs moissons naissantes et leurs nouvelles demeures ; ils pensent que si l’œuvre de la civilisation vient à s’interrompre, on ne la reprendra plus ; ils craignent que les habitudes sédentaires, à peine contractées, ne se perdent sans retour au milieu de pays encore sauvages, et où rien n’est préparé pour la subsistance d’un peuple cultivateur ; ils savent qu’ils trouveront dans ces nouveaux déserts les hordes ennemies, et pour leur résister ils n’ont plus l’énergie de la barbarie, sans avoir encore acquis les forces de la civilisation. Les Indiens découvrent d’ailleurs sans peine tout ce qu’il y a de provisoire dans l’établissement qu’on leur propose. Qui leur assurera qu’ils pourront enfin reposer en paix dans leur nouvel asile ? Les États-Unis