Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 2.djvu/284

Cette page a été validée par deux contributeurs.
281
ÉTAT ACTUEL ET AVENIR DES TROIS RACES.

complète des Indiens est le but final où tendent simultanément tous leurs efforts. Les Américains de cette partie de l’Union voient avec jalousie les terres que possèdent les indigènes[1] ; ils sentent que ces derniers n’ont point encore complétement perdu les traditions de la vie sauvage, et avant que la civilisation les ait solidement attachés au sol, ils veulent les réduire au désespoir et les forcer à s’éloigner.

Opprimés par les États particuliers, les Creeks et les Cherokées se sont adressés au gouvernement central. Celui-ci n’est point insensible à leurs maux, il voudrait sincèrement sauver les restes des indigènes et leur assurer la libre possession du territoire que lui-même leur a garantie[2] ; mais quand il cherche à exécuter ce dessein, les États particuliers lui opposent une résistance formidable, et alors il se résout sans peine à laisser périr quelques tribus sauvages déjà à moitié détruites, pour ne pas mettre l’Union américaine en danger.

Impuissant à protéger les Indiens, le gouvernement fédéral voudrait au moins adoucir leur sort ; dans ce but, il a entrepris de les transporter à ses frais dans d’autres lieux.

Entre les 33e et 37e degrés de latitude nord, s’étend

  1. Les Géorgiens, qui se trouvent si incommodés du voisinage des Indiens, occupent un territoire qui ne compte pas encore plus de sept habitants par mille carré. En France, il y a cent soixante-deux individus dans le même espace.
  2. En 1818, le congrès ordonna que le territoire d’Arkansas serait visité par des commissaires américains, accompagnés d’une députation de Creeks, de Choctaws et de Chickasaws. Cette expédition était commandée par MM. Kennerly, McCoy, Wash Hood et John Bell. Voyez les différents rapports des commissaires et leur journal, dans les papiers du congrès, no 87, Houses of Representatives.