Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 2.djvu/283

Cette page a été validée par deux contributeurs.
280
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

que les nations indiennes ; il est de notre honneur de les traiter avec bonté et même avec générosité. »

Cette noble et vertueuse politique n’a point été suivie.

À l’avidité des colons se joint d’ordinaire la tyrannie du gouvernement. Quoique les Cherokées et les Creeks soient établis sur le sol qu’ils habitaient avant l’arrivée des Européens, bien que les Américains aient souvent traité avec eux comme avec des nations étrangères, les États au milieu desquels ils se trouvent n’ont point voulu les reconnaître pour des peuples indépendants, et ils ont entrepris de soumettre ces hommes, à peine sortis des forêts, à leurs magistrats, à leurs coutumes et à leurs lois[1]. La misère avait poussé ces Indiens infortunés vers la civilisation, l’oppression les repousse aujourd’hui vers la barbarie. Beaucoup d’entre eux, quittant leurs champs à moitié défrichés, reprennent l’habitude de la vie sauvage.

Si l’on fait attention aux mesures tyranniques adoptées par les législateurs des États du Sud, à la conduite de leurs gouverneurs et aux actes de leurs tribunaux, on se convaincra aisément que l’expulsion

  1. En 1829, l’État d’Alabama divise le territoire les Creeks en comtés, et soumet la population indienne à des magistrats européens.

    En 1830, l’État de Mississipi assimile les Choctaws et les Chickasaws aux blancs, et déclare que ceux d’entre eux qui prendront le titre de chef seront punis de 1,000 dollars d’amende et d’un an de prison.

    Lorsque l’État de Mississipi étendit ainsi ses lois sur les Indiens Chactas qui habitaient dans ses limites, ceux-ci s’assemblèrent ; leur chef leur fit connaître quelle était la prétention des blancs, et leur lut quelques unes des lois auxquelles on voulait les soumettre : les sauvages déclarèrent d’une commune voix qu’il valait mieux s’enfoncer de nouveau dans les déserts. (Mississipi papers.)