plie de la prétendue noblesse de son origine. Il vit et meurt au milieu de ces rêves de son orgueil. Loin de vouloir plier ses mœurs aux nôtres, il s’attache à la barbarie comme à un signe distinctif de sa race, et il repousse la civilisation moins encore peut-être en haine d’elle que dans la crainte de ressembler aux Européens[1].
À la perfection de nos arts, il ne veut opposer que les ressources du désert ; à notre tactique, que son courage indiscipliné ; à la profondeur de nos desseins,
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L’indigène de l’Amérique du Nord conserve ses opinions et
jusqu’au moindre détail de ses habitudes avec une inflexibilité qui n’a
point d’exemple dans l’histoire. Depuis plus de deux cents ans que les
tribus errantes de l’Amérique du Nord ont des rapports journaliers avec
la race blanche, ils ne lui ont emprunté pour ainsi dire ni une idée ni
un usage. Les hommes d’Europe ont cependant exercé une très grande
influence sur les sauvages. Ils ont rendu le caractère indien plus
désordonné, mais ils ne l’ont pas rendu plus européen.
Me trouvant dans l’été de 1831 derrière le lac Michigan, dans un lieu nommé Green-Bay, qui sert d’extrême frontière aux États-Unis du côté des Indiens du Nord-Ouest, je fis connaissance avec un officier américain, le major H., qui, un jour, après m’avoir beaucoup parlé de l’inflexibilité du caractère indien, me raconta le fait suivant : « J’ai connu autrefois, me dit-il, un jeune Indien qui avait été élevé dans un collège de la Nouvelle-Angleterre. Il y avait obtenu de grands succès, et y avait pris tout l’aspect extérieur d’un homme civilisé. Lorsque la guerre éclata entre nous et les Anglais, en 1810, je revis ce jeune homme ; il servait alors dans notre armée, à la tête des guerriers de sa tribu. Les Américains n’avaient admis les Indiens dans leurs rangs qu’à la condition qu’ils s’abstiendraient de l’horrible usage de scalper les vaincus. Le soir de la bataille de ***, C… vint s’asseoir auprès du feu de notre bivouac ; je lui demandai ce qui lui était arrivé dans la journée ; il me le raconta, et s’animant par degrés aux souvenirs de ses exploits, il finit par entrouvrir son habit en me disant : — Ne me trahissez pas, mais voyez ! ” Je vis en effet, ajouta le major H., entre son corps et sa chemise, la chevelure d’un Anglais encore toute dégouttante de sang. »