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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

Ce que j’ai vu chez les Anglo-Américains me porte à croire que les institutions démocratiques de cette nature, introduites prudemment dans la société, qui s’y mêleraient peu à peu aux habitudes, et s’y fondraient graduellement avec les opinions mêmes du peuple, pourraient subsister ailleurs qu’en Amérique.

Si les lois des États-Unis étaient les seules lois démocratiques qu’on doive imaginer, ou les plus parfaites qu’il soit possible de rencontrer, je conçois qu’on pût en conclure que le succès des lois des États-Unis ne prouve rien pour le succès des lois démocratiques en général, dans un pays moins favorisé de la nature.

Mais si les lois des Américains me paraissent défectueuses en beaucoup de points, et qu’il me soit aisé de les concevoir autres, la nature spéciale du pays ne me prouve point que des institutions démocratiques ne puissent réussir chez un peuple où, les circonstances physiques se trouvant moins favorables, les lois seraient meilleures.

Si les hommes se montraient différents en Amérique de ce qu’ils sont ailleurs ; si leur état social faisait naître chez eux des habitudes et des opinions contraires à celles qui naissent en Europe de ce même état social, ce qui se passe dans les démocraties américaines n’apprendrait rien sur ce qui doit se passer dans les autres démocraties.

Si les Américains montraient les mêmes penchants que tous les autres peuples démocratiques, et que leurs législateurs s’en fussent rapportés à la nature du pays et à la faveur des circonstances pour contenir