Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 2.djvu/220

Cette page a été validée par deux contributeurs.
217
CAUSES QUI MAINTIENNENT LA DÉMOCRATIE.

voirs éphémères, elle suit leur fortune, et tombe souvent avec les passions d’un jour qui les soutiennent.

En s’unissant aux différentes puissances politiques, la religion ne saurait donc contracter qu’une alliance onéreuse. Elle n’a pas besoin de leur secours pour vivre, et en les servant elle peut mourir.

Le danger que je viens de signaler existe dans tous les temps, mais il n’est pas toujours aussi visible.

Il est des siècles où les gouvernements paraissent immortels, et d’autres où l’on dirait que l’existence de la société est plus fragile que celle d’un homme.

Certaines constitutions maintiennent les citoyens dans une sorte de sommeil léthargique, et d’autres les livrent à une agitation fébrile.

Quand les gouvernements semblent si forts et les lois si stables, les hommes n’aperçoivent point le danger que peut courir la religion en s’unissant au pouvoir.

Quand les gouvernements se montrent si faibles et les lois si changeantes, le péril frappe tous les regards, mais souvent alors il n’est plus temps de s’y soustraire. Il faut donc apprendre à l’apercevoir de loin.

À mesure qu’une nation prend un état social démocratique, et qu’on voit les sociétés pencher vers la république, il devient de plus en plus dangereux d’unir la religion à l’autorité ; car les temps approchent où la puissance va passer de main en main, où les théories politiques se succéderont, où les hommes, les lois, les constitutions elles-mêmes disparaîtront ou se modifieront chaque jour, et cela non