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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

est pas violemment troublée ; car la même raison qui empêche le riche d’accorder sa confiance au législateur, l’empêche de braver ses commandements. Il ne fait pas la loi parce qu’il est riche, et il n’ose la violer à cause de sa richesse. Chez les nations civilisées, il n’y a en général que ceux qui n’ont rien à perdre qui se révoltent. Ainsi donc, si les lois de la démocratie ne sont pas toujours respectables, elles sont presque toujours respectées ; car ceux qui en général violent les lois ne peuvent manquer d’obéir à celles qu’ils ont faites et dont ils profitent, et les citoyens qui pourraient avoir intérêt à les enfreindre sont portés par caractère et par position à se soumettre aux volontés quelconques du législateur. Au reste, le peuple, en Amérique, n’obéit pas seulement à la loi parce qu’elle est son ouvrage, mais encore parce qu’il peut la changer, quand par hasard elle le blesse ; il s’y soumet d’abord comme à un mal qu’il s’est imposé à lui-même, et ensuite comme à un mal passager.

ACTIVITÉ QUI RÈGNE DANS TOUTES LES PARTIES DU CORPS
POLITIQUE AUX ÉTATS-UNIS ; INFLUENCE QU’ELLE EXERCE
SUR LA SOCIÉTÉ.
Il est plus difficile de concevoir l’activité politique qui règne aux États-Unis que la liberté ou l’égalité qu’on y rencontre. — Le grand mouvement qui agite sans cesse les législatures n’est qu’un épisode, un prolongement de ce mouvement universel. — Difficulté que trouve l’Américain à ne s’occuper que de ses propres affaires. — L’agitation politique se propage dans la société civile. — Activité industrielle des Américains venant en partie de cette cause. — Avantages indirects que retire la société du gouvernement de la démocratie.

Quand on passe d’un pays libre dans un autre qui ne l’est pas, on est frappé d’un spectacle fort extra-