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GOUVERNEMENT FÉDÉRAL.

les peuples auxquels il s’applique, un certain nombre de conditions d’union qui leur rendent aisée cette vie commune, et facilitent la tâche du gouvernement.

Ainsi, le système fédéral, pour réussir, n’a pas seulement besoin de bonnes lois, il faut encore que les circonstances le favorisent.

Tous les peuples qu’on a vus se confédérer avaient un certain nombre d’intérêts communs, qui formaient comme les liens intellectuels de l’association.

Mais outre les intérêts matériels, l’homme a encore des idées et des sentiments. Pour qu’une confédération subsiste long-temps, il n’est pas moins nécessaire qu’il y ait homogénéité dans la civilisation que dans les besoins des divers peuples qui la composent. Entre la civilisation du canton de Vaud et celle du canton d’Uri, il y a comme du XIXe siècle au XVe : aussi la Suisse n’a-t-elle jamais eu, à vrai dire, de gouvernement fédéral. L’union entre ces différents cantons n’existe que sur la carte ; et l’on s’en apercevrait bien, si une autorité centrale voulait appliquer les mêmes lois à tout le territoire.

Il y a un fait qui facilite admirablement, aux États-Unis, l’existence du gouvernement fédéral. Les différents États ont non seulement les mêmes intérêts à peu près, la même origine et la même langue, mais encore le même degré de civilisation ; ce qui rend presque toujours l’accord entre eux chose facile. Je ne sais s’il y a si petite nation européenne qui ne présente un aspect moins homogène dans ses différentes parties que le peuple américain, dont le territoire est aussi grand que la moitié de l’Europe. De l’État du Maine à l’État de Géorgie on compte envi-