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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

Les législateurs de l’Union pensèrent que cette extrême dépendance de la législature dénaturait les principaux effets du système représentatif, en plaçant dans le peuple lui-même non seulement l’origine des pouvoirs, mais encore le gouvernement.

Ils accrurent la durée du mandat électoral pour laisser au député un plus grand emploi de son libre arbitre.

La constitution fédérale, comme les différentes constitutions d’États, divisa le corps législatif en deux branches.

Mais, dans les États, on composa ces deux parties de la législature des mêmes éléments et suivant le même mode, l’élection. Il en résulta que les passions et les volontés de la majorité se firent jour avec la même facilité, et trouvèrent aussi rapidement un organe et un instrument dans l’une que dans l’autre chambre. Ce qui donna un caractère violent et précipité à la formation des lois.

La constitution fédérale fit aussi sortir les deux chambres des votes du peuple ; mais elle varia les conditions d’éligibilité et le mode de l’élection ; afin que si, comme chez certaines nations, l’une des deux branches de la législature ne représentait pas des intérêts différents de l’autre, elle représentât au moins une sagesse supérieure.

Il fallut avoir atteint un âge mûr pour être sénateur, et ce fut une assemblée déjà choisie elle-même et peu nombreuse qui fut chargée d’élire.

Les démocraties sont naturellement portées à concentrer toute la force sociale dans les mains du corps législatif. Celui-ci étant le pouvoir qui émane le plus