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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

sident et la législature, puisque celle-ci, en persévérant dans ses desseins, est toujours maîtresse de vaincre la résistance qu’on lui oppose ; mais le véto suspensif la force du moins à retourner sur ses pas ; il l’oblige à considérer de nouveau la question, et, cette fois, elle ne peut plus la trancher qu’à la majorité des deux tiers des opinants. Le véto, d’ailleurs, est une sorte d’appel au peuple. Le pouvoir exécutif, qu’on eût pu, sans cette garantie, opprimer en secret, plaide alors sa cause, et fait entendre ses raisons.

Mais si la législature persévère dans ses desseins, ne peut-elle pas toujours vaincre la résistance qu’on lui oppose ? À cela, je répondrai qu’il y a dans la constitution de tous les peuples, quelle que soit du reste sa nature, un point où le législateur est obligé de s’en rapporter au bon sens et à la vertu des citoyens. Ce point est plus rapproché et plus visible dans les républiques, plus éloigné et caché avec plus de soin dans les monarchies ; mais il se trouve toujours quelque part. Il n’y a pas de pays où la loi puisse tout prévoir, et où les institutions doivent tenir lieu de la raison et des mœurs.