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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

plus ou moins de grandeur, ne suffit pas pour leur donner des intérêts fort opposés. On n’a donc jamais vu les petits États se liguer, dans le sénat, contre les desseins des grands. D’ailleurs, il y a une force tellement irrésistible dans l’expression légale des volontés de tout un peuple, que, la majorité venant à s’exprimer par l’organe de la chambre des représentants, le sénat se trouve bien faible en sa présence.

De plus, il ne faut pas oublier qu’il ne dépendait pas des législateurs américains de faire une seule et même nation du peuple auquel ils voulaient donner des lois. Le but de la constitution fédérale n’était pas de détruire l’existence des États, mais seulement de la restreindre. Du moment donc où on laissait un pouvoir réel à ces corps secondaires (et on ne pouvait le leur ôter), on renonçait d’avance à employer habituellement la contrainte pour les plier aux volontés de la majorité. Ceci posé, l’introduction de leurs forces individuelles dans les rouages du gouvernement fédéral n’avait rien d’extraordinaire. Elle ne faisait que constater un fait existant, celui d’une puissance reconnue qu’il fallait ménager et non violenter.



AUTRE DIFFÉRENCE ENTRE LE SÉNAT ET LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS.
Le sénat nommé par les législateurs provinciaux. — Les représentants, par le peuple. — Deux degrés d’élection pour le premier. — Un seul pour le second. — Durée des différents mandats. — Attributions.

Le sénat ne diffère pas seulement de l’autre chambre par le principe même de la représentation, mais