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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

le pouvoir exécutif ; mais il n’exerce que quelques uns de ses droits.

Le magistrat suprême, qu’on nomme le gouverneur, est placé à côté de la législature comme un modérateur et un conseil. Il est armé d’un véto suspensif qui lui permet d’en arrêter ou du moins d’en ralentir à son gré les mouvements. Il expose au corps législatif les besoins du pays, et lui fait connaître les moyens qu’il juge utile d’employer afin d’y pourvoir ; il est l’exécuteur naturel de ses volontés pour toutes les entreprises qui intéressent la nation entière[1]. En l’absence de la législature, il doit prendre toutes les mesures propres à garantir l’État des chocs violents et des dangers imprévus.

Le gouverneur réunit dans ses mains toute la puissance militaire de l’État. Il est le commandant des milices et le chef de la force armée.

Lorsque la puissance d’opinion, que les hommes sont convenus d’accorder à la loi, se trouve méconnue, le gouverneur s’avance à la tête de la force matérielle de l’État ; il brise la résistance, et rétablit l’ordre accoutumé.

Du reste, le gouverneur n’entre point dans l’administration des communes et des comtés, ou du moins il n’y prend part que très indirectement par la nomination des juges de paix qu’il ne peut ensuite révoquer[2].

  1. Dans la pratique, ce n’est pas toujours le gouverneur qui exécute les entreprises que la législature a conçues ; il arrive souvent que cette dernière, en même temps qu’elle vote un principe, nomme des agents spéciaux pour en surveiller l’exécution.
  2. Dans plusieurs États, les juges de paix ne sont pas nommés par le gouverneur.