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LE COLLAGE

ans », soupiraient des cuisinières. La fille en cheveux, portant son chien sous le bras : « S’il était bâti comme ça, au moins, celui qui me roue de coups ! » Et, des couples bourgeois sortis pour respirer l’air pur, Madame se livrait à des comparaisons plastiques pas à l’avantage de Monsieur ; tandis que Monsieur, lui, sous son chapeau haute forme, roulait cette pensée : « En voilà un qui ne s’empêtrera jamais d’une femme légitime. » Jusqu’aux polissonnes de quatorze ans pas encore couchées, qui, s’approchant sans cesse, les effrontées, finissaient par être contre le tonneau, le cou tordu, pour voir en l’air : « Dis, Clara, si son caleçon tout à coup faisait crac !… » Et Hélène ne s’en allait pas.

Pourtant je ne la voyais plus. Il était arrivé encore du monde. Chacun se pressait, se poussait, voulait arriver aux premiers rangs. Mais je savais qu’elle était toujours là, humble et se faisant petite, heureuse de disparaître, laissant des malotrus la bousculer et se mettre devant elle. Et toute mon âme s’enfonçait à chaque instant dans cette ombre, pour la cacher encore et la couvrir comme son long voile noir baissé. L’orgue jouait éternellement le même air. Il pleuvait de temps en temps des sous. Certains, venant taper contre le tonneau avec un petit bruit sec, rebondissaient au loin. Le « vieux » les ramassait autour des chandelles et les jetait dans une assiette ébréchée à un coin du tapis