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LE RETOUR DE JACQUES CLOUARD

de la presqu’île Ducos, Adèle restait en proie à quelque combat intérieur. Et, lui, dans la nuit complète, plein de sécurité, tout à ses souvenirs, ne devinait pas, ne s’apercevait de rien.

Au bout de la grille, au lieu de tourner à gauche, rue Cardinet, de pousser jusqu’à la gare des Batignolles, ils rebroussèrent chemin. Un banc, sur leur passage, était libre.

— Asseyons-nous, dit Adèle. Je suis lasse.

Ils tournaient le dos au square, lui tout contre elle. Pas de réverbère aux alentours. Devant eux, les barreaux de la grille et le vide de la tranchée du chemin de fer. Ils étaient bien seuls. Jacques voulut lui passer un bras autour de la taille.

— Non ! on pourrait nous voir !

Elle se recula. Jacques eut un serrement de cœur. Il gardait le silence. Ses premiers transports de joie et de tendresse étaient loin ; il ne pensait déjà plus au passé, mais à la vie nouvelle qu’il allait recommencer avec Adèle. Il éprouvait même quelque chose d’inattendu, d’extraordinaire. Cette femme, avec laquelle il avait couché onze ans de suite et qui l’avait rendu père cinq fois, maintenant lui était devenue étrangère. Cette lacune de neuf années, qu’il sentait là, béante, le gênait. Elle avait raison, après tout : des caresses, c’était bien gentil ? mais ce n’était point assez pour combler ce vide. Que de choses encore à lui dire, surtout à apprendre d’elle ! Et bien ! par quoi