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Je n’imiterai pas les faiseurs d’acrostiches,
Et, tout au fond de moi, je garderai ton nom.
Jamais je ne voudrai joindre deux hémistiches,
Pour enrouler mon cœur autour d’un mirliton.

Il est de ces amours, banales et vulgaires,
Qu’un poète menteur drape d’un manteau d’or.
Il est, dans le ciel bleu, des amours mensongères,
Que riment à seize ans les cœurs vides encor.

Mais il est des amours profondes, des tendresses
Qui forcent les amants à se parler tout bas,
Emplissant les baisers de leurs âpres ivresses :
Ces amours, on les vit, on ne les rime pas.

Nos poèmes à nous, c’est notre douce vie,
C’est l’heure, chaque soir, passée à ton côté,
Ce sont nos nuits de mai, mon rire et ta folie,
Nos puissantes amours dans leur réalité.

Toujours nous augmentons l’adorable poème.
La page, plaise à Dieu, jamais ne s’emplira.
J’y vais chaque matin écrire : Mon cœur t’aime,
Et je mets au-dessous : Demain, il t’aimera.