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Tu fis l’homme rempli de faiblesse et d’effroi.
Nous sommes dans ton œuvre un sourire d’une heure,
Un jouet que ton doigt brise, dès qu’il l’effleure,
Un rayon à ta gloire, une rose à ton front,
Un encens louangeur qui célèbre ton nom ;
Et, lorsqu’à deux genoux, courbé dans la poussière,
L’être t’a parfumé d’une courte prière,
Tu jettes de nouveau cet enfant du néant,
Dans les bras de son père, insondable et béant !

Si je blasphème ici, Seigneur, suis-je coupable ?
Puisque tu t’es voilé d’un voile impénétrable ;
Puisque partout ton nom, éclair dans notre nuit,
S’éteint, sans éclairer l’homme qu’il éblouit ;
Puisque l’homme à lui-même est un profond mystère ;
Puisqu’ici-bas le bien a le vice pour frère ;
Puisque tout est mauvais et que tout reste obscur,
Que tout semble manqué comme un ouvrage impur :
Moi, cette ébauche informe où rien ne se peut lire,
Moi, seul intéressé dans la route à décrire,
Ne puis-je dissiper la brume où tu te plais,
Demander d’où je viens et chercher où je vais ?

Hélas ! que tout est noir, dans la vallée humaine !
Les hommes en troupeaux se parquent dans la plaine,
Vivant sur des égouts qu’entoure un mur croulant.
Ils se tiennent entre eux pour résister au vent.