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Et pleurés en public par de bruyants sanglots.
J’aime à trouver en toi la pudeur des tombeaux.

On la nommait Nina, la pâle ensevelie.
Dis, combien de baisers lui donna le printemps ?
Dans quel rêve s’est-elle à jamais endormie ?
Qui fit-elle souffrir ? qui pleure ses quinze ans ?
On ne sait. L’enfant dort sous les fleurs, et la terre
Lui fait de mousse verte un pudique suaire,
Et, lorsqu’on l’interroge, à voix basse répond :
« On la nommait Nina, je ne sais que son nom. »

Eh bien ! c’en est assez pour le cœur du poète.
Un nom gai sur la lèvre et parfumé d’amour
Suffit pour le sourire et le rêve d’un jour.
La mort n’a que seize ans, quand la tombe est muette.
D’hier elle est couchée, et son front virginal
Porte encore au cercueil la couronne du bal.

Laisse-moi te ravir ta blanche fiancée,
Dalle froide où Nina berce son long sommeil.
Je veux jusqu’au matin attendre, à son réveil,
Le rire du salut sur sa lèvre glacée.
Laisse-moi l’évoquer, l’aimer selon mon cœur,
Lui donner blonds cheveux, œil noir, mignonne bouche,
Et, la faisant lever à demi sur sa couche,
Au front laisse-la-moi baiser comme une sœur.