Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pourtant, nul ne savait pourquoi, sous la charmille,
Paolo restait rêveur jusqu’à la fin du jour.
Il était si prudent, le doux coureur de fille,
Que Marie elle-même ignorait son amour.
Non, jamais le regard de la blonde madone,
Ce long regard songeur, ne s’était un instant
Doucement reposé sur le front de l’enfant.
Jamais, sous les bandeaux, son oreille mignonne,
Dans l’ombre des maisons, le soir n’avait surpris
De lointains bruits de pas sur la dalle affaiblis.
Jamais son jeune sein, en se gonflant plus vite,
Pour un chant, un bouquet, ce beau sein qui palpite,
N’avait dit à son cœur, dans un doux battement,
Qu’auprès d’elle toujours frémissait un amant.

Ô vierge de seize ans, frêle bouton de rose,
Ô fleur humide encor des baisers de la nuit,
Dont pour le vent d’été la feuille reste close
Et reçois sans frémir le papillon qui fuit !
Tu ne vois pas briller, quand tu tournes la tête,
Ce long regard d’amour qui cherche en vain le tien ;
Tu n’entends pas ces mots que, frissonnant, répète
Ce grand jeune homme pâle au débile maintien.
Et pourtant si c’était le bonheur de ta vie
Que tes yeux et ta main venaient de dédaigner ;
Si nul tressaillement n’avait fait deviner
À ton cœur que, dans l’ombre, était l’âme choisie ;
Si, tout près de fleurir, l’herbe allait se faner…