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presque sans résultats. La critique courante, occupée ailleurs, ne se doute pas de son existence. Le public l’ignore. Puis, arrive le moment psychologique, où, tout à coup, la bande des médiocres, avertie par sa haine instinctive de tout ce qui sort de l’ordinaire, se met a haïr le nouveau venu et à crier sa haine par-dessus les toits. C’est un déchaînement. Le novateur, éclaboussé, se trouve du jour au lendemain un objet de risée et de scandale publics. Mais, au moins, le voilà sorti de l’ombre. A leur insu, ses ennemis lui ont rendu ce service. Les éditions succèdent aux éditions. Alors, un travail sourd, lent mais continu, commence à s’opérer dans les couches profondes du grand public. Chaque lecteur, croyant à la légende, avait pris le livre en s’attendant à des monstruosités.— « Tiens ! mais ce fameux X…, que mon journal accuse de ne pouvoir écrire deux lignes sans mettre un mot sale, il écrit proprement, il ne manque pas de raison, il a même beaucoup de talent. » — Et, à la même heure, en mille endroits, dans les classes les plus différentes, chaque nouveau lecteur est comme un juge qui révise. à sa façon l’inepte arrêt de la critique. A la longue, toutes ces sympathies, d’abord isolées, en rencontrent d’autres, finissent par établir un courant de réaction, dont la violence est en raison directe de la violence de l’attaque. Ainsi, avec les années et l’entassement des œuvres, voilà le public complètement retourné : alors, la bande des détracteurs,