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celles du coucher et du lever, varient peu. Le matin également, il travaille. Le soir, il ne va qu’exceptionnellement au théâtre ou dans le monde.

En somme, ni l’argent, ni le succès, ni la célébrité, ne l’ont changé. Et je puis le certifier, moi qui le connais depuis douze ans, moi qui l’ai vu jadis pauvre, endetté, encore obscur ! Je le retrouve toujours le même homme, et je constate que la bonne fortune ne l’a nullement gâté. Il n’est pas un de ces triomphateurs insupportables, infatués d’eux-mêmes, durs au pauvre monde, étalant complaisamment les résultats de leur réussite ou les mérites de leur personnalité. Sa vie, insensiblement, a pu devenir plus large et plus assurée, mais rien n’a été pour cela modifié dans son humeur, ni dans son caractère, ni dans ses goûts.

Au contraire, ce succès, qui a été long a se dessiner, mais qui s’est alors accusé formidable, loin d’en avoir plein la bouche, lorsqu’il cause avec vous, il en perd très souvent conscience. Je veux dire que, non seulement il n’en exagère pas la portée, mais qu’il est toujours obligé de se livrer à une certaine opération d’esprit pour « se rappeler » qu’il est arrivé, dans la carrière littéraire, à une situation des plus enviables. Son premier mouvement est tout autre : pessimiste, porté à voir les choses en noir, il croira sans cesse qu’il n’a rien fait, que tout va pour lui de mal en pis, qu’il est le plus infortuné des hommes. Ce n’est donc que par réflexion qu’il revient