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rompre brutalement, malgré la grande envie qu’il en avait. D’ailleurs, Flaubert, toujours bon, toujours facile à tromper, lui jurait de nouveau que M. Bardoux brûlait du désir de « couronner son ministère » en le décorant.

Arriva janvier. Le ministre s’était tellement épanché dans le sein des reporters, que tout le monde s’attendait à voir, cette fois, le nom de Zola sur la liste. Mais la fameuse étude sur « les Romanciers contemporains, » écrite d’abord pour une revue russe, avait paru en décembre dans le Figaro, et tous les confrères traitaient le critique en homme indigne de faire partie de la littérature française. Si bien que, le jour où M. Bardoux proposa timidement Zola à son chef de cabinet, celui-ci répondit solennellement : — « Monsieur le ministre, ce n’est pas possible, il y va de votre portefeuille. »

Donc. une seconde fois, Zola ne fut pas décoré. Il s’y attendait du reste. Et il avala ce nouveau crapaud, avec l’habitude d’un homme qui en a avalé bien d’autres. Nouvelle fureur de Flaubert contre ce rien du tout de ministre. Nouveau désespoir de Daudet. Quand à lui, depuis cette époque, lorsqu’on parle de décoration en sa présence, il dit d’un air plaisant, en homme dont l’ambition est comblée et qui est décidé à ne plus rien accepter :

— Moi, j’ai failli être décoré par Bardoux : ça me suffit.