Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/124

Cette page n’a pas encore été corrigée

Nana !! Nana !!! » Et le roman n’était écrit qu’à moitié. Au point où il en était de son travail, l’auteur n’avait encore aucune certitude. L’œuvre pouvait, aussi bien venir dieu que table ou cuvette. Et voilà que l’œuvre était déjà livrée en pâture à la foule, dévorée, discutée, applaudie, outrageusement niée surtout ! Le premier feuilleton était à peine paru, qu’une polémique s’ouvrait dans les journaux et que des chroniqueurs, se posant en critiques sérieux, démontraient déjà par A plus B que le roman était manqué, absolument manqué, et que ce serait un four. Déplorables conditions de travail pour une nature nerveuse. Le romancier avait beau ne pas bouger de Médan, s’enfoncer de plus en plus dans son grand effort. Chaque jour, c’étaient des journaux et des lettres qui venaient l’exaspérer, le faire douter de lui et de son œuvre, qui le jetaient dans de troublantes et douloureuses distractions. Se mettre à son bureau devant une feuille blanche, et sentir braqués sur soi les canons de la chronique et du reportage, cela est sûrement fort désagréable. Que de fois, pendant l’enfantement de ce neuvième roman de la série, ne dut-il pas se reporter avec mélancolie au grand calme dans lequel il travaillait, jadis, avant le succès ! Aujourd’hui, il gagnait beaucoup d’argent, son nom était dans toutes les bouches, mais des angoisses nouvelles enfiévraient sa production, et il ne se sentait pas plus heureux.

D’ailleurs, le résultat matériel fut magnifique.