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s’efface le plus possible, afin de ne pas s’interposer entre l’intensité du drame et l’émotion immédiate du lecteur ! Cette forme neuve, pittoresque, fut sans doute une des causes de la prodigieuse fortune de l’Assommoir. Le romancier, que la vogue n’avait pas gâté jusqu’alors, ne se doutait guère, en l’écrivant, que ce livre allait faire son trou dans la littérature comme un boulet. Cependant, certains symptômes avant-coureurs se produisirent, significatifs pour un œil clairvoyant.

L’Assommoir commença à paraître en feuilleton dans le Bien public, journal démocratique. Déjà critique dramatique de cette feuille, Zola lui vendit dix mille francs le droit de publier l’Assommoir en feuilleton. Si les bons démocrates s’étaient imaginé leur critique dramatique capable d’écrire pour eux une œuvre de flagornerie populacière, susceptible de « gratter » les faubourgs et de servir d’appât à l’abonné républicain, ils ne tardèrent pas à reconnaître leur erreur. Le tirage n’augmenta pas sensiblement, tandis que les rares abonnés se fâchaient. Comme à chaque publication d’un roman de Zola dans un journal, il pleuvait des lettres de lecteurs scandalisés, courroucés ; cette fois, les reproches d’immoralité étaient couverts par un reproche autrement grave aux yeux du Bien public : celui de calomnier le peuple, d’insulter l’ouvrier. Ce débordement d’injures prit de telles proportions que le directeur du Bien public se vit obligé d’interrompre