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— « Voici vingt ans, dit-il, qu’une femme, ta mère,
Pour léguer à la terre un fruit de son amour,
De son sein dans le tien
versa la vie amère,
Et moi, je t’ai dit : » Vois le jour.


» Vis, Enfant, pour sentir ce que pèse chaque heure
» À qui roule sans cesse au flux de son chagrin,
» À celui qui jamais n’a vu dans sa demeure
» Descendre un rayon du matin.


» Vis, pour voir s’effeuiller l’arbre de ta famille,
» Pour voir chaque rameau sans sève se flétrir,
» Pour te sentir toi-même, ô pauvre jeune fille,
» Dès ta pâle aurore mourir.


» Elle vécut, Seigneur, et marcha sur la terre,
Et vit, sans en jouir, les œuvres de tes mains,
Et passa méconnue et pauvre et solitaire
Parmi les enfans des humains.


» Enfant, près des palais j’ai vu des toits de paille,
Des maîtres sans pitié que le pauvre nourrit,
Et, sous l’œil affamé du besoin qui travaille,
L’opulence qui danse et rit.


» J’ai vu dans un air pur des vierges enlacées,
Rire et tourbillonner sur de riches tissus,
Et d’autres mendiant sur des pierres glacées,
Pâles de faim et les pieds nus.