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Alors prenant du lait dans l’ombre d’une armoire,
Elle y mit un peu d’eau, puis, vint l’offrir à boire,
À son malheureux père, interrogeant ses yeux,
Pour y lire ses maux, et lui montrant les Cieux,
Recevant sans aigreur sa plainte la plus dure,
Obéissant à tout, soumise et sans murmure,
Sans même soupirer ; mais, priant le Seigneur,
Et gardant saintement sa souffrance en son cœur.
Puis, voyant le repos circuler dans ses veines,
Donner un peu de trêve à sa fièvre, à ses peines,
Vers la lampe, où ses yeux s’usent à travailler,
Je la vis se traîner, et puis s’agenouiller,
Et, couvrant de ses mains sa poitrine glacée,
Elle inclina son front dans sa sombre pensée,
Muette, mais plutôt conversant en esprit
Avec chaque douleur dont son sein se nourrit,
Glorifiant son Dieu, qui, depuis sa naissance,
À tous ses maux mêla si peu de jouissance,
Et, vidant sans trembler, ce calice de fiel,
Confondre ses regards et sa pensée au Ciel,…


— Alors, tout fut silence en la pauvre demeure,
Et j’entendis sonner au loin la douzième heure,
Et, comme une rosée, un doux sommeil des cieux
Descendit sur la vierge et lui ferma les yeux…


— Mais, le sommeil du pauvre a de cruelles transes,
Le vieillard souleva ce fardeau de souffrances,
Il appela sa fille et la considéra,
Et dans ce seul regard toute son âme entra.