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LAURIE FAIT DES BÊTISES.

les avertirons que nous allons retrouver M. Marsch. Nous l’aiderons à se guérir, et après, à guérir les autres ; nous serons ses aides. Les bras manquent à l’armée, les bras de femmes aussi bien que les bras d’hommes pour soigner les malades. Votre père sera ravi d’avoir deux aides jeunes et fidèles sur lesquels il pourra compter à la vie et à la mort. »

Jo battait des mains. Si inconsidéré, quelque absurde que fût le plan de Laurie, il était de son goût. Elle n’y voyait qu’une chose, l’étourdie : la pensée de revoir plus tôt son père, de remplacer tout d’abord sa mère auprès de lui ; cela lui faisait tout oublier et séduisait ce qu’il y avait d’aventureux dans sa folle imagination. La perspective de partager, une fois réunie à son père, la vie de M. Marsch dans les camps, dans les ambulances, au milieu de glorieux périls, la fascinait ; ses yeux étincelaient. Elle se voyait au milieu des combats, ramassant, au plus fort du feu, les blessés, consolant les mourants. Si la fenêtre eût été ouverte, si elle n’avait eu qu’à s’envoler, elle aurait dit oui à ce fou de Laurie, et on les eût vus s’élancer subitement dans l’espace ; mais ses regards tombèrent heureusement de la fenêtre de Laurie sur celle de la vieille maison qui contenait sa mère et ses sœurs, et elle secoua la tête comme pour en faire bien vite sortir des fantômes.

« Ah ! si j’étais un garçon ! s’écria-t-elle ; mais non, décidément, je ne suis qu’une fille, une malheureuse et déplorable fille ! Il faut, malgré tout, Laurie, que je me conduise comme une honnête et convenable demoiselle ; et, par suite, que je reste à la maison, sous l’aile même de ma mère. Tout ce qui ne serait pas cela, serait démence et insanité…

— Mais ne voyez-vous pas, reprit Laurie, dont le