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LES QUATRE FILLES DU DOCTEUR MARSCH.

— Il y a, dit Laurie, que votre manque de confiance en moi, après m’avoir donné l’idée de la sottise, qui a failli me brouiller avec les vôtres, vient de me brouiller irréparablement avec grand-père, et que vous seule êtes, après tout, la cause première de tout ce qui est arrivé.

— Je ne suis la cause de rien du tout, lui répondit Jo. On m’avait confié un secret, mon devoir était de le garder, même envers vous. J’avais promis, j’ai tenu ma parole, et Dieu sait que j’y ai eu du mérite, car j’avais bien envie de tout vous dire. Vous seul, convenez-en, avez eu tort de vouloir me faire manquer à ma promesse, à mon devoir.

— Je n’ai à convenir de rien avec vous, répondit brusquement Laurie. Mes comptes sont réglés avec Meg et avec votre mère, c’est assez de deux comptes de ce genre dans le même jour et dans la même famille, et je n’ai pas à m’occuper d’un troisième. Je suis votre aîné, mademoiselle, ne l’oubliez pas…

— Vous êtes mon aîné, c’est certain, mais de si peu pour les mois et de si peu surtout pour la raison, que… mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Soit, dit Jo, je ne venais ni vous demander ni vous faire des excuses. Tout est arrangé entre ma famille et vous, c’est en effet le principal ; mais cela dit, pourquoi me faites-vous cette figure ?

— Pourquoi ? dit Laurie en bondissant dans un subit accès de rage, pourquoi ? Je viens, toujours à cause de vous, de recevoir un tel affront de mon grand-père, que je ne puis désormais demeurer sous son toit. Et elle me demande pourquoi j’ai la figure d’un homme exaspéré. J’ai été pris au collet, entendez-vous, et jeté par mon grand-père à la porte de sa chambre ! Est-ce le moment de rire, s’il vous plaît ?