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LES QUATRE FILLES DU DOCTEUR MARSCH.

Jo avait, tout en courant, et dans la crainte de n’être pas maîtresse de sa colère, modifié son plan de campagne. Au lieu de mettre les fers au feu de sa personne, elle se contenta de dire à Laurie que sa mère désirait le voir, sans le prévenir de ce qui l’attendait. Une fois averti, il n’aurait plus osé venir, et il fallait avant tout, l’amener devant son vrai juge.

Dès que Laurie eut jeté un regard sur la figure de Mme  Marsch, il pressentit tout, et se mit à tortiller son chapeau d’un air de culpabilité si évidente que, si on en eût douté, le doute n’eût plus été possible.

Jo fut renvoyée, et passa son temps à se promener de long en large devant la porte, comme une sentinelle, car elle avait quelque crainte que le prisonnier ne s’échappât. Le bruit des voix dans le parloir devint tantôt fort et tantôt faible, et cela dura bien une demi-heure ; mais jamais les deux sœurs ne surent ce qui s’était passé pendant cette entrevue.

Lorsqu’elles furent rappelées, Laurie était à genoux près de Mme  Marsch, dans une attitude tellement repentante que Jo, dans son cœur, lui pardonna immédiatement. Toutefois, elle ne trouva pas qu’il fût sage de le lui laisser voir.

Meg reçut ses plus humbles excuses, et, ce qui valait mieux pour elle, fut confirmée par lui dans l’assurance que M. Brooke ne savait rien de tout cela.

« Et je prie Dieu qu’il ne l’apprenne jamais ! s’écria Laurie. Quant à moi, des chevaux sauvages ne m’arracheraient pas une parole sur ce triste sujet ! Vis-à-vis de cet homme que j’aime et que j’honore, l’abus insensé que j’ai fait de sa personnalité ne mérite pas de pardon. Il ne me pardonnerait pas et il aurait cent fois raison. Il m’a vu capable d’être