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LES QUATRE FILLES DU DOCTEUR MARSCH.

Elle resta ainsi tout le jour, ne s’éveillant que de temps en temps pour demander « à boire ! » d’une voix si faible qu’on ne l’entendait qu’à peine. Tant que dura le jour, Meg et Jo restèrent à côté d’elle à la soigner, à attendre, à espérer, à se fier à Dieu et à leur mère. La neige tombait au dehors, le vent soufflait avec fureur et les heures se traînaient. La nuit arriva enfin, et les deux sœurs, assises de chaque côté du lit, se regardaient chaque fois que l’horloge sonnait, en pensant que chaque heure qui s’écoulait les rapprochait du moment où elles auraient de l’aide, l’aide suprême de leur mère chérie.

Le docteur avait dit qu’il y aurait peut-être, vers minuit, un changement dans l’état de Beth, et qu’il reviendrait vers cette heure-là. Hannah, à bout de forces, s’était couchée sur le canapé au pied du lit et s’était vite endormie. M. Laurentz arpentait le parloir à grands pas, et Laurie, couché sur le tapis, devant le feu, prétendait se reposer, mais regardait, la flamme avec un regard pensif qui trahissait ses alarmes. Les jeunes filles n’oublièrent jamais cette nuit-là. Le sommeil ne les visita pas une minute pendant qu’elles veillaient avec ce sentiment terrible d’impuissance, qui nous possède à des moments comme ceux-là.

« Si Dieu épargne Beth, je ne me plaindrai plus jamais, je trouverai tout bien, dit Meg avec ferveur.

— Si Dieu épargne Beth, je la servirai toute ma vie, » répondit Jo avec une ferveur égale.

Ici, l’horloge sonna minuit, et les deux sœurs s’absorbèrent dans la contemplation de Beth. Elles s’imaginèrent, à force de la regarder, qu’un changement s’était opéré sur sa pâle figure. La maison était tranquille comme la mort, et on n’entendait, dans le profond silence, que le gémissement lugubre du vent.