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LES QUATRE FILLES DU DOCTEUR MARSCH.

Jo se conduisit, pendant huit ou dix jours, d’une manière si bizarre que ses sœurs en étaient étonnées. Elle se précipitait à la rencontre du facteur aussitôt qu’il arrivait, était impolie pour M. Brooke (dont elle avait fait grand cas jusque-là) toutes les fois qu’elle le voyait, regardait Meg d’un air désolé et venait subitement l’embrasser de la manière la plus mystérieuse. Elle et Laurie étaient toujours à se faire des signes et à parler de « l’aigle » d’un air si bizarre, que les jeunes filles déclarèrent qu’ils étaient fous tous les deux.

Le samedi suivant, Jo sortit pour la seconde fois par la fenêtre et reprit le chemin qu’elle avait suivi huit jours plus tôt. Quand elle revint, Meg, qui cousait à sa fenêtre, fut scandalisée de la voir poursuivie dans le jardin par Laurie, et enfin rattrapée par lui dans le berceau d’Amy.

Ce qui arriva là, Meg ne pouvait pas le voir, mais on entendait des éclats de rire, puis un murmure de voix et un grand froissement de cahiers et de papiers.

« Qu’est-ce que nous ferons de cette petite fille ? Elle ne se conduira jamais en jeune personne comme il faut, s’écria Meg d’un air de désapprobation. Quel malheur qu’elle ne soit pas née garçon !

— Pourquoi, Meg ? Elle est si drôle et si charmante comme elle est, dit Beth, qui n’avait jamais montré à personne qu’elle était quelque peu blessée de ce que Jo avait des secrets avec d’autres qu’avec elle.

— Nous ne pourrons jamais la rendre distinguée, » ajouta Amy qui était en train de se faire une collerette et qui, coiffée ce jour-là d’une manière nouvelle, paraissait très satisfaite de sa petite personne.

Quelques minutes après, Jo se précipita dans la chambre et, s’étendant tout de son long sur le sofa, affecta d’être très occupée à lire.