Page:Alcott - Les Quatre Filles du docteur Marsch.djvu/219

Cette page a été validée par deux contributeurs.
205
DEUX SECRETS.

balai, puis elle le roula, le lia avec un ruban rouge et resta une minute à le regarder d’un air sérieux et absorbé qui montrait visiblement combien elle avait pris son travail à cœur.

Le bureau que Jo avait dans son grenier était un ancien buffet de cuisine appuyé contre le mur. C’est là qu’elle enfermait ses papiers et quelques livres, pour les tenir hors de la portée de Raton et de monsieur son fils. Ayant comme elle des goûts littéraires très prononcés, ces deux rongeurs n’épargnaient pas les livres qui tombaient sous leurs dents aiguës. Jo prit un autre manuscrit dans ce réceptacle, et, le mettant, avec celui qu’elle venait d’achever, dans sa poche, elle descendit doucement l’escalier, laissant ses amis grignoter ses plumes et goûter à son encre. Arrivée au rez-de-chaussée, elle mit son chapeau et son manteau en faisant le moins de bruit possible. Ouvrant alors avec précaution une fenêtre du côté opposé à l’endroit où étaient ses sœurs, elle grimpa sur l’appui qui était très peu élevé, sauta par terre dans l’herbe et prit en courant un chemin de traverse qui la mena à la grande route. Une fois là, elle rajusta ses vêtements, se composa un maintien digne et sérieux, fit signe à un omnibus qui passait, et se laissa conduire vers la ville.

Si quelqu’un l’avait observée, il aurait à coup sûr trouvé ses mouvements extraordinaires, car, si, une fois descendue d’omnibus, elle marcha d’abord à grands pas, ce fut pour s’arrêter bientôt et brusquement devant un certain numéro d’une certaine rue très fréquentée. Ayant alors, après un peu d’hésitation, reconnu que c’était bien là la maison qu’elle cherchait, elle entra vivement dans l’allée. Mais, cela fait, au lieu de monter l’escalier, elle le regarda et