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LE CAMP DE LAURENTZ.

Il y avait dans la disposition du terrain une agréable inégalité qui amenait de fréquents malheurs : les assiettes et les verres basculaient à qui mieux mieux ; des glands tombaient dans les plats, et des feuilles sèches descendaient des arbres en toute hâte, afin de voir ce qui arrivait.

Trois enfants pauvres, cachés derrière les buissons, regardaient, d’un air d’envie, les convives de l’autre côté de la rivière ; un chien se mit à aboyer contre eux et les fit découvrir. Ils allaient s’enfuir comme des coupables ; mais M. Brooke leur cria de rester et, ayant fait un petit paquet bien ficelé dans lequel il avait enveloppé de quoi leur faire un bon petit repas, il parvint, aux acclamations de tous, à leur jeter à la volée leur part du festin. On était au dessert.

« Voici du sel pour la crème de Jo, dit l’impitoyable Laurie.

— Merci, je préfère vos araignées, répondit Jo, en montrant du doigt sur son assiette deux petites araignées qui s’étaient noyées dans sa crème. Comment osez-vous faire des allusions à mon horrible dîner, quand le vôtre n’est pas complètement parfait ? Vous ai-je nourri d’insectes, moi ? »

Elle lui passa, en riant, son assiette et ses deux araignées, et s’empara de la sienne. La vaisselle était rare.

« Bon ! voilà que c’est mon tour d’être battu par Jo. Consolez-vous, Fred, c’est une terrible adversaire ; il ne fait pas bon la provoquer.

— Que dites-vous là ? s’écria Jo ; je ne suis l’adversaire de personne aujourd’hui, et si je n’en avais été réduite à me défendre, j’aurais trouvé tout bien, même les araignées, dans votre partie. Je bois ce verre d’eau à votre gloire, Laurie.

— Il fait un temps magnifique aujourd’hui, répondit