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JACK ET JANE.

« Ne bougez pas, » dit Frank d’un ton de commandement.

Il donna un coup de sifflet pour avertir le train qui arrivait de ralentir sa marche, renversa la vapeur et retourna en arrière plus vite qu’il n’était parti.

Cinq minutes, qui parurent un siècle aux deux étourdis et mille ans à ceux qui les attendaient au point de départ, s’écoulèrent, et la machine no 11 revint à sa place sans accident. Deux jeunes gens pales et la figure bouleversée en descendirent lentement, pendant que le train de marchandises passait tout près de l’endroit où ils s’étaient garés.

Les employés étaient furieux, Bill surtout ne tarissait pas ; mais Gustave et Frank, tout ahuris, les entendaient à peine. Ils n’eurent jamais qu’un souvenir confus de ce moment-là. Ils se rappelaient vaguement qu’on les avait rudoyés, grondés, questionnés et menacés de châtiments terribles, mais c’était tout.

Quant à Joë ? il avait disparu.

Les deux coupables s’éloignèrent encore tout tremblants et tout étourdis.

« Reposons-nous un peu, » dit Frank d’une voix brisée.

Ils se laissèrent tomber sur un banc sans pouvoir parler. Ils étaient rouges, haletants et tout émus du danger passé.

Gustave eut la générosité de ne faire aucun reproche à son ami. Celui-ci humecta ses lèvres sèches avec un peu de neige et lui dit :

« Ne vous désolez pas, mon vieux camarade, c’est moi seul qui suis en faute : et je ne vous laisserai pas punir