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LE TRAVAIL DE LA FONTAINE 179 « Je me souviens, écrit Boileau à Maucroix, que La Fontaine m'a dit plusieurs fois que les deux vers de mes ouvrages qu'il estimait davantage, c'étaient ceux où je loue le roi d'avoir établi la manufacture des points de France à la place des points de Venise. » Voici ces vers. Ils sont dans la première Epitre au roi: Le soldat dans la paix, sage et laborieux ; Nos artisans grossiers rendus industrieux; Et nos voisins frustrés de ces tributs servîtes, Que payait à leur ait le luxe de nos villes. De pareilles péi^phrases nous font sourire aujour d'hui ; mais il fallait, pour les réussir, un talent que La Fontaine appréciait fort. Dans leurs célèbres réunions, ce que Molière, Boi leau, La Fontaine et Racine admiraient le plus, c'était la perfection de la forme. On applaudissait aux épithètes, on attendait les rimes, on se récriait. L'Art poétique, de Boileau, devait être tout à fait dans les idées de La Fontaine, et c'est certainement, malgré leurs natures si dissemblables, une des causes qui expliquent l'amitié des deux grands hommes. Le fabuliste pratiquait à la lettre les préceptes de Boi- leau, en remettant vingt fois son ouvrage sur le métier. Il avoue avoir travaillé trois ans le Songe de Vaux, et il refit si souvent ses contes, que, n'en voyant plus l'immoralité, il s'étonnait sincèrement qu'on les trouvât répréhensibles. Il confesse dans la