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— La dernière lettre d’Adrien date de dix jours. Il ne reste jamais aussi longtemps sans m’écrire. Ce retard m’inquiète un peu.

— Quelle sottise ! intervint Mme Busset, la voix badine. Les jeunes gens, lancés dans la vie de bohème, ont autre chose à faire de plus amusant que d’écrire à leurs sœurs ; n’est-il pas vrai, monsieur ?

Estelle jeta un coup d’œil incisif vers sa tante. Mais, sans lui laisser le temps de protester, M. Marcenat disait avec un dédain nonchalant :

— La vie de bohème est une légende erronée, dont le vulgaire s’autorise pour calomnier les artistes. À la vérité, aucune étude, aucune profession ne nécessitent un travail plus acharné, des efforts plus constants que l’initiation à un art. Votre frère, mademoiselle, montre une énergie des plus méritoires…

Les tendres yeux, aux mirages de ciel et d’eau, s’embuèrent d’émotion.

— Malheureusement, ses forces le trahissent trop souvent ! soupira Estelle. Adrien ne s’est jamais complètement remis de la terrible chute qu’il fit à seize ans et dont il est resté un peu boiteux. Il n’a pu suivre régulièrement les cours du Conservatoire, et obtenir le prix qui eût assuré sa carrière. Le voilà employé chez un éditeur de mu-