pour sa vanité d’artiste, avait vaincu scrupules et regrets… Renaud cédait enfin à l’entraînement de la belle main patricienne. Et sans plus d’hésitation, il supprimait de sa pensée et de sa vie celle qu’il appelait sa fiancée…
C’était donc cela, l’amour des hommes ! Hier des supplications passionnées, des serments exaltés ; aujourd’hui l’oubli ! Et ils apportaient à la nouvelle idole une âme toujours renouvelée !… Il leur semblait n’avoir jamais aimé jusque-là.
Que n’en était-il ainsi pour elle ?… Mais l’amour, plus profondément, pétrit et transforme le cœur des femmes. Jamais Estelle — elle s’en rendait compte — ne recouvrerait son indépendance morale d’autrefois, la liberté sereine avec laquelle elle s’avançait naguère vers l’avenir.
Et ce qu’elle regrettait plus douloureusement encore, n’était-ce pas l’illusion divine, l’ivresse du rêve à deux ?
Jamais, jamais, elle ne saurait s’affranchir des souvenirs délicieux et meurtriers ! Ah ! Renaud, Renaud ! pourquoi vos yeux furent-ils si doux et si persuasifs ? Tant de joies entrevues, puis ce déchirement cruel !
Un sanglot la ploya en deux, les bras étendus sur la table. Longtemps elle s’abandonna au vertige du désespoir. Puis une pensée surgit dans cet