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yeux d’Estelle. La jeune fille s’aperçut alors que ses larmes ruisselaient. Elle tremblait, comme dans une peur violente. Oui, c’était bien un sentiment d’effroi qui déréglait soudain les battements de son cœur et coulait de la glace dans ses veines ; peur instinctive qui saisit aux présages hostiles, quand la terre frémit ou que le ciel gronde.

Celui qu’elle aimait, qu’il lui semblait avoir connu de tout temps, lui apparaissait soudain moins proche, moins sûr, moins clair. Sans doute, en prêchant la patience à Adrien, Renaud parlait-il le langage même de la raison, mais combien Estelle l’eût préféré moins sage, moins facilement résigné à la déconvenue qui prolongeait leur séparation !

Et en relisant les noms de femmes, cités dans cette lettre où sa propre pensée tenait trop peu de place, Estelle ressentait la brûlure intime de la souffrance jalouse, inséparable de l’amour. Il lui suffisait de se rappeler la scène de la veille, les manèges coquets de Mme Marcenat vis-à-vis d’Adrien, pour se représenter Renaud Jonchère auprès d’une demi-déité prestigieuse, telle que cette Mme de Leucate dont les magazines illustrés avaient popularisé le visage léonin et les attitudes de sphinx. Comment garder intacte l’image d’une Estelle Gerfaux devant cette vision captivante ? C’était folie de s’illusionner !