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LE DEVOIR DU FILS

sexagénaire et une vieille demoiselle de compagnie. Gilbert n’avait revu sa vénérable parente qu’une fois, aux obsèques de son père, cinq ans plus tard. Il se la rappela soudain si frêle, si diaphane, qu’une peur et un remords le saisirent. Ces sept dernières années avaient dû peser lourdement sur la vieille tante.

Alors son impatience d’arriver s’exaspéra jusqu’à l’angoisse. S’il devait se reprendre, ce serait là, près de cette femme, à l’âme fidèle et ardente, qui lui parlerait de son père et plaindrait sa peine. Dans sa détresse morale, le jeune homme sentait se réveiller en lui l’instinct qui pousse un enfant chagrin à se blottir contre un cœur d’aïeule, sûr et tendre.



II


Angers ! Une halte de plusieurs heures, pour achever la nuit, dans un hôtel quelconque. Puis l’aube et bientôt le départ. Le train, à présent, marchait d’une allure ralentie et stoppait devant chacune des petites gares, coquettes comme des villas, ombragées d’acacias et fleuries de roses.

Enfin, le nom attendu, la Bréalle !

D’un bond, Daunoy fut à terre, tout de suite étreint par l’émotion des souvenirs. C’était là, sous cet abri de planches, que, douze ans auparavant, se tenaient les deux vieilles tantes, si tremblantes sous leurs mantelets noirs, en accueillant le neveu et le petit-neveu.

Aujourd’hui, personne n’attendait Gilbert à la station. Il avait averti Mlle Isabelle de sa venue prochaine, mais sans indiquer l’heure et le jour précis. Laissant son mince bagage en dépôt, il s’engagea, à peu près au hasard, sur l’une des petites routes, bordées d’églantiers, qui s’ouvraient au carrefour voisin. Au premier détour, Daunoy constata qu’il avait pris la bonne direction, en apercevant, dans le fond du lointain, le clocher